jeudi 21 août 2008

Monsieur Le Gris, Gandalf, TZR tolkienien


Comme quoi il y a parfois des avantages à voir ses plans de la journée annulés : ça permet de bosser (cette amorce montre à quel point mon état de délabrement mental est avancé, vivement la rentrée !).
Eh oui. Poussé par un imprévu, j'ai donc décidé de laisser de côté le farniente de ces derniers jours de vacances pour approfondir mon travail de préparation à la rentrée. Et là, j'en entends déjà qui hurlent : "Dis donc feignasse, tu as glandouillé pendant deux mois, tu voudrais pas encore qu'on t'applaudisse parce que tu te bouges les fesses !"
Ce à quoi je répondrai par un silence méprisant, puis par le constat suivant. J'ai, cette année, le privilège d'être TZR. Qu'est-ce que c'est donc que cette bête-là ? Eh bien mes petits amis - et vous aussi mes amis un peu plus délabrés - le TZR est le para de l'Education Nationale, le bras viril de cette noble institution : le professeur remplaçant. Oui ! Ne crains plus, toi, l'élève, déserté par son professeur qui s'est finalement mis en dépression après son douzième cours consécutif à tenter d'inculquer les arcanes de la grammaire à des cinquièmes ! Le TZR est là... enfin, si tu restes trois semaines consécutives sans prof, faut pas non plus pousser.
Or donc, le TZR (Titulaire de Zone de Remplacement pour ceux qui veulent se la jouer) présente l'amusante particularité de ne pas savoir quelle va être sa classe jusqu'à... oh ben... parfois 48 heures avant son entrée en fonction. Au meilleur des cas.

Me voilà donc devant mon bureau, armé de bonne volonté et de mon ordinateur, mais condamné à essayer de progresser sur des domaines que je peux appliquer tant à des sixièmes à peine sortis de l'innocence (cette expression n'est qu'un procédé de style, un enfant n'est JAMAIS innocent), qu'à des Secondes blasés dès la deuxième heure de cours.
Et c'est là que l'Idée m'est venue.

Chers amis, avez-vous jamais pratiqué le Jeu de Rôle ?

Pour les ceusses qui ne connaîtraient pas (et au risque de m'attirer les foudres des puristes), j'explique les bases de cette noble activité : il s'agit en très gros d'une histoire interactive. Un conteur, que l'on appelle le Maître de Jeu commence une histoire dont d'autres personnes, les joueurs, sont les personnages. Et ce sont les joueurs qui, au gré de leurs actions, vont contribuer au déroulement de l'histoire, le but consistant à arriver au terme de ladite histoire avec le moins de casse possible.
Afin que le scénario ne dégénère pas dans le vaste n'importe quoi, chaque joueur remplit, en début de partie, une fiche sur laquelle il explique quel genre de personnage il va incarner et remplit différentes cases indiquant ses capacités dans divers domaines : vous pouvez donc incarner Johnny Poingdacier, danseur classique, qui pourra tout vous dire sur l'art du macramé dans le Marais Poitevin mais, en contrepartie, sera incapable de régler un radio réveil. Ou encore Olga Oumpapa, guerrière des montagnes enneigés pour qui le maniement de la masse d'arme se révélera moins problématique que de former une phrase complète.

Mais en quoi, me direz-vous, cette activité pour ados attardés et ramollis du bulbe peut-elle servir la noble mission que tu t'es confiée ? (celle d'éduquer les élèves, je précise, pas de traquer et de massacrer l'inventeur des ouvertures soi-disant faciles).

Eh bien voilà. Ce que je trouve parlant, dans ces jeux de rôles, c'est que, en général, si l'on est médiocre dans un domaine de compétences, on est plutôt bon dans un autre et, surtout, en fin d'aventure, on peut progresser dans telle ou telle discipline, pour peu que le Maître de Jeu juge que l'on se soit un peu investi dans l'aventure. Vous commencez à me suivre ?
Le parallèle entre la classe et l'univers des Rôlistes est frappant à plus d'un titre. Alors pourquoi ne pas dresser une fiche de compétences de cette grande aventure pédagogique ? A cela plusieurs avantages :

- D'abord faire comprendre aux mouflets où l'on va, et ce que l'on veut leur faire faire. Mine de rien, avoir un plan de route, ça aide. Ressucitez vos souvenirs, et laissez-moi vous dire que lorsqu'un prof ne sait pas trop lui-même quel sens donner à son cours ça dégénère vite. Mais alors très vite.

- Briser le mythe de l'élève "nul". Vous savez, ce petit mot de trois lettres que beaucoup de gamins en difficultés s'attribuent pour avoir l'excuse de ne rien faire ? Eh bien là, on peut effectivement être, comme Olga, un peu gêné pour s'exprimer, mais diablement efficace dans le maniement de la masse les activités plus pratiques.

- Obliger les mômes à s'auto-évaluer : cette fois-ci, plus de prof diabolique, créature malfaisante qui vous fait dégringoler des 6/20 en ricanant. Aux élèves de décréter si, oui ou non, ils comprennent, travaillent chez eux, parlent beaucoup... et, bizarrement, dans ce genre de situation, l'honnêteté surgit souvent.

Ne voyez dans ce billet aucune volonté de flagornerie ni de donner une recette à d'éventuels collègues (encore que...). Simplement un constat : si je veux préserver la capacité d'enthousiasme avec laquelle je suis rentrer dans ce boulot il va falloir que je me mette à jouer... A jouer sérieusement.

mercredi 20 août 2008

Même pas une tasse de café, en descendant de la croix ?


Je me demande si Jésus était jouasse le jour de sa résurrection. Pour le grand (?) retour de ce blog sur le devant de la scène - on appelle ce que je viens de faire la méthode Coué - je dois vous dire que cette renaissance se fait sous le signe de la gueulante... Encore une fois, oui, je vous ai entendu, là, dans le fond !

Ce qui a fait office d'électrochoc est la recherche d'emploi de G. ce matin. Outre le côté profondément masochiste de la démarche, cette saine activité nous a amené à découvrir que le Ministère pilotant l'Education Nationale se fiche copieusement de nos gueules. Oui d'accord, c'est de notoriété publique. Mais là, nous atteignons des sommets.
Je vous rappelle le mot proféré par un politique fort mal nomme, et, depuis, passé dans le dictionnaire des citations bobos, "dégraisser le mammouth". Vous savez, tous ces fonctionnaires qui surchargent les légions chargées d'éduquer nos gamins ? Cette citation est devenue, au-delà d'un mot d'ordre, un mode de vie pour les successeurs de ce grand homme (qu'il rôtisse au plus profond des abysses infernales). On a mis la pauvre bête poilue à la diète supprimant des postes avec la même aisance que Lara Croft supprime des hommes de mains patibulaires et le bon goût.

Seulement voilà.

Si cette opération d'assainissement était nécessaire, pourquoi donc G. trouve-t-il, sans se fatiguer le moins du monde, une tripotée d'annonce demandant (ou plutôt suppliant) des professeurs, surveillants et mêmes documentalistes vacataires (lire : "bouche-trou") dans toutes les régions de France ? On lui demande de choisir l'emploi qu'il préfère, la REGION qu'il préfère et son emploi du temps. En gros tout.
Je rappelle pour ceux qui ne me connaîtraient pas que, titulaire d'un diplôme obtenu sur concours puis formation, on m'a muté en région parisienne cette année alors que je n'avais strictement rien demandé.
Mais à vrai dire, tout ce paragraphe n'est que rhétorique. Je sais parfaitement à quel besoin répond ce genre de sites. A celui d'une main d'oeuvre éducative taillable et corvéable à merci, que l'on peut employer selon les besoins du moments, qui ne côtise que lorsqu'elle travaille, à qui on ne paye pas de congés et qui s'adapte à toutes les situations. Bref, des éducateurs sur la tête de qui on peut marcher sans qu'ils protestent, contrairement à ces salauds de profs titulaires qui pensent encore avoir des droits.

Ce cri de révolte n'atteindra pas les deux décibels et demi dans la blogosphère ou où que ce soit d'ailleurs. Je le pousse tout de même. Depuis quarante siècles, il y a des gens qui disent non, même s'ils sont seuls face à un système. Soyons ce matin des émules d'Antigone et gueulons-le à plein poumons : les profs ont, comme toutes les autres catégories de travailleurs, le droit à un minimum de respect.

jeudi 21 février 2008

Vacances, vacations divagations...

Vous l'aurez sans doute remarqué, le rythme de publication de ce blog va piano en ce moment. Ben oui, que voulez-vous, la faute à ce privilège honteux de ces feignasses d'enseignants que sont les vacances. Vacances... celles-ci sont les premières durant lesquelles je me suis surpris à réfléchir à l'étymologie du mot. Pourquoi ? Je ne sais pas... drôle de sensation. Ces périodes de boulot, durant lesquelles ont doit, presque en permanence, se masquer, se déguiser, ne serait-ce que partiellement, devant nos élèves, redevenir nous-même en rentrant, se costumer à nouveau... tellement vite que l'on n'a pas le temps d'ôter sa tenue de scène de la veille parfois... Vite vite, tellement vite.
Et puis d'un coup, les vacances. On se sent comme un oiseau dans un trou d'air, sans cette frénésie pour nous porter. Vacances, vide. Vide à combler. Alors je comble. Plus ou moins agréablement.

D'abord, bien entendu, il y a ce foutu mémoire que je suis censé remettre pour la fin de l'année scolaire à mes formateurs et qui sera l'une des nombreuses pièces censées témoigner que oui, je suis bien digne de devenir un professeur digne de ce nom, et de quitter l'antichambre de la stagiarisation. Poussé par Guillaume et par un zèle coupable et bête, je me suis mis à le rédiger en début de vacances. Quinze pages, quinze jours de repos. Le calcul est vite fait. Alors j'écris. Et comme toujours, la bonne vieille magie de mots prend. Les gamins sont tous là. J'écris sur eux, et bien souvent, j'ai l'impression que cet essai, je l'écris pour eux. Peuvent pas me lâcher deux minutes hein !

Je lis aussi. Yoko Ogawa, à nouveau. Elle m'a manqué. Lire Yoko Ogawa, c'est être en face du silence. Un silence fait d'ordre et de calme. Principes qui, habituellement, me font peur. Mais pas avec elle. Pas à travers les pages de La formule préférée du professeur, histoire de cet homme, dont la mémoire dure quatre-vingt minutes et de sa femme de ménage. Yoko Ogawa est sans doute le seul auteur à qui j'aimerais ressembler. Le seul dont les pages parviennent à dénouer cette boule d'angoisse, logé au creux de mon estomac, qui ne s'est pas dénouée depuis mes quatorze ans.

Vacances... plages propres à divaguer... Allez ! Je remets mes neurones en ordre, et je vous reviens comme à l'accoutumée bientôt, tout bientôt !

lundi 11 février 2008

Rend, slaughter, devour...


Pour les non-anglophones qui s'offusqueraient - à juste titre - de ce titre aux consonances britanniques, je traduis : Déchirer, massacrer, dévorer. Oui, je sais, posé comme ça, ça n'est pas réjouissant. Maintenant, passons à la raison de mon ire, à côté de laquelle le caca nerveux d'Achille à la mort de Patrocle passerait pour une joyeuse galéjade.

CA !

http://www.note2be.com/note2be.html

Bon, en fait n'essayez pas d'activer le lien, ce site a tellement de succès qu'il est rarement accessible. Et puis c'est très grossier de m'interrompre lorsque je parle. Ce site donc, propose aux élèves de noter leur professeur. Oui oui, simple comme bonjour. Vous choisissez votre établissement et, de votre petit doigt boudiné, vous vous exécutez. Les critères scientifiquement retenus pour l'évaluation sont, entre autres, la clarté, l'autorité, l'impartialité etc... Petit détail bonus : ces évaluations sont anonymes.

Alors oui, je sais ce que vous pensez. C'est la énième fois que vous lisez cela sur le xième blog de prof que vous fréquentez. Mais quand même. Je bisque.

Je bisque non pas dans la crainte d'un carton que m'administrerait un élève revanchard que j'aurais forcé à apprendre les deux-cent premiers vers d'Yvain, le Chevalier au Lion pour le sanctionner d'une obscure histoire de kleenex enduit de morve projeté dans la salle (je vous rassure, cette situation est fictive... bien entendu... hi hi hi...). Je ne bisque pas parce que je crains que ce système soit un jour appliqué par l'Education Nationale (ce jour-là, je vais chier sur le perron d'Attali). Je ne bisque pas parce que ça fait ressortir mes incertitudes qui se portent très bien, merci pour elles.
Non, je bisque parce que - pardonnez-moi - mais le gros enfoiré qui a crée ce truc que, entre deux skyblogs, nos mouflets iront remplir, tient un discours qui pervertit totalement tout ce pour quoi, depuis des années, la majorité des enseignants se battent. A savoir que, lorsque je relève une quarante-douzième phrase sans sens dans une copie d'élève, je n'évalue pas un élève. J'essaye de lui faire comprendre où il en est à un moment précis. Et le 18 auquel aura le droit la petite blondinette du rang de gauche n'est pas un diadème qui lui confère un quelconque pouvoir.
Je sais, dit comme ça, ça paraît inconcevable. Une note, pour un gnard, c'est toujours un choc affectif. Mais ça n'empêche qu'on tente, patiemment, doucement, de leur expliquer que ce chiffre ne contient rien d'autre que quelques minutes/heures de travail. C'est tout.

Et voilà qu'une bande de crétins invite nos mômes à "noter leur prof" suggérant par là-même que les profs notent les élèves. Connards.
Je note également la stupidité bien conformiste des webmestres de cette chose, encourageant les participants à bien évaluer les professeurs "sévères mais justes". Splendide, voilà des idées novatrices qui contribueront sûrement à faire avancer la réflexion sur les méthodes pédagogiques !

Je suis un utopiste. Je persiste à croire que les élèves et leurs parents valent mieux que ça. Ils ne méritent pas qu'on les transforme en jury de Star Academy pour l'école, les supermarchés, la Poste ou les Sex Shop. Je veux croire que ce bidule restera un repère de grand n'importe quoi dans lequel on continuera de noter des Harry Cover et des Jean Bonneau.
Réflexe de prof ulcéré ? Sans doute. Mais avant tout, colère d'être humain. On est plus.

Tellement plus.

lundi 4 février 2008

Iiik iiik iiik iiik ! (Bruit de violon)

Avez-vous déjà vu Psychose ? Non ? Bon, tant pis, je vous raconte quand même la seule chose qui me tire-bouchonne vraiment les nerfs depuis que j'ai eu l'honneur et le privilège d'être affecté au collège de L., fleuron de l'avant-garde dans le domaine de l'éducation.
Or donc, à Loué, tout n'est pas flambant neuf dirons-nous. Je citerai entre autre la fenêtre de la salle 2xx, qui a, depuis quelques semaines, renoncé à assurer l'étanchéité, même relative, de l'endroit où elle est posée. Du coup dès qu'il pleut, ça fait un peu remake de "L'Enigme de l'Atlantide". Heureusement j'ai prévu le coup et ma salle dispose d'un plan de placement des élèves grandes eaux, histoire de pouvoir continuer mon cours sans bouée canard. Si avec ça, ma notation au mérite ne monte pas d'un demi-point, hin hin hin !
Mais je divague. Vague.

L'autre jour, une salle a été entièrement refaite. Exceptionnel. Les murs ont été sensuellement enduits d'une bonne couche de peinture bleu-vert, le matériel audiovisuel a été renouvelé et, surtout, les élèves ont eu le droit à de nouvelles tables. Ah, les nouvelles tables ! Tout un programme.
Il faut en effet savoir que cette salle rénovée est le domaine quasi-exclusif d'une collègue que nous nommerons Carla, tout à fait pas au hasard. Je n'y suis moi-même qu'une heure par semaine. Or, notre chef d'établissement (que nous ne nommerons pas Nicolas, je tiens encore à mon boulot), a eu la bonne idée de décréter qu'il entendait bien que les nouvelles tables restent aussi propres qu'au premier jour. Intention louable quoi qu'un peu utopique. Je ne sais pas si vous gardez le souvenir de tables de collèges, mais laissez-moi vous dire qu'elles sont souvent le lieu d'expression de dessinateurs, romanciers ou acteurs X en herbe. Or donc, pas de ça sur ces dispendieuses fournitures.

Seulement, ce que notre principal bien-aimé ignorait, c'est que sa consigne n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Depuis cette conversation, Carla passe son temps à scruter à la loupe chaque table, en début ET fin de cours. Elle est même allée jusqu'à se procurer les plans de chaque classe présente dans cette salle pour, en cas de graffiti, poursuivre le coupable de ses foudres, et lui carrer dans les mains une éponge et une bouteille de détergent. Je continue d'ailleurs à me demander si une gomme ne serait pas plus efficace lorsqu'il s'agit d'effacer du crayon à papier mais bon...
Et mes gnards, à qui ils n'en faut pas tant, sont donc depuis ce jour terrible, atteints de paranoïa aiguë dès qu'ils posent le pied dans cette pièce.

"- Monsieur, il y a une marque lààààààà !
- Euh je ne vois rien.
- Mais si làààààà !
- Ecoute, à moins que Mme Carla porte un microscope électronique à la place de ses lunettes, elle ne verra rien.
- Monsieeeeeeur on va se faire engueuleeeeeeeer !"

Tous les jours, le lundi, de 10h à 11h. Actuellement, je suis en train d'étudier la possibilités de faire cours sous le préau, afin de pouvoir en placer une entre deux frottements frénétiques pour effacer un point d'encre suspect.

Ou alors dans mon appart... Avec la même consigne, ils me rattraperont peut-être les quelques jours de ménage en retard ?

lundi 28 janvier 2008

En rouge dans la marge


Peste peste, plus d'une semaine sans blogger. Remédions immédiatement à cette cruelle négligence. Négligence tant à cause d'une vie personnelle assez chargée (oui oui, je suis un joyeux débauché, youkelaïdi youkelaïda), que d'un léger agacement d'un point de vue professionnel. Bah oui, il fallait que ça arrive.
Or donc, il s'agit de ma classe de Quatrième. Une classe fort agréable, la plupart du temps : ils sont dynamiques, motivés, et, surtout, comprennent. On ne se rend pas compte, dans ce petit mot, combien il y a de soulagement pour un enseignant lambda (donc moi). Pas besoin de leur réexpliquer douze fois la même chose, pas besoin de leur préciser que "oui quand tu as fini d'écrire sur une feuille, tu en prends une autre"...
Seulement voilà. A force d'entendre que les profs les ont à la bonne, ben nos Quatrièmes, ils commencent à ne plus se sentir et à croire que, quoi qu'il arrive, ils s'en sortiront. Erreur fatale.
J'ai passée une partie de mon week end d'hier à corriger des copies (je crains d'ailleurs que mon visionnage en parallèle de l'Open d'Australie n'ait quelque peu influencé mes commentaires, mais basta !), et il se trouve que ces charmants bambins se sont crus dispensés de continuer la lecture du Cid, que nous étudions en ce moment. Non seulement ça, mais même les questions "cadeau" que j'avais, dans ma mansuétude, disséminées dans le devoir ont été lamentablement ratées.
Habituellement, un échec de classe m'ammène à me remettre violemment en question. "Bon sang ils n'ont rien compris, c'est ma faute, j'explique mal, je vais me retirer dans le désert avec un 38 tonnes d'orties fraîches pour pouvoir me flageller." Là pour le coup, non.
Donc, j'hésite quant à l'attitude à adopter dans une heure et demie. Soit je leur tend leurs copies avec une tête d'enterrement, soit j'augmente considérablement le nombre de décibels, genre Castafiore, pour leur expliquer que lààààà, ça ne va plus du tooooout ! Et du haut de mes trilles reinesdelanuitesques, je leur demanderai, non pas de trucider ce vieux cochon misogyne de Sarastro, mais de se remettre au boulot et plus vite que ça...
Hmm ouais... ça pourrait être une expérience intéressante. Comment ça les profs sont bien des créatures sadiques et traumatisantes ? Que nenni ! Cette engueulade sera une étape tout à fait normale de ma formation...

samedi 19 janvier 2008

On s'ra jamais vieux...



Il est toujours agréable de recevoir la confirmation que, à l'âge vénérable de vingt-cinq ans et des bananes, on n'est pas encore une annexe de l'expostion égyptienne du Louvre. Ca en devient limite destabilisant lorsque cette réflexion vient d'élèves de collège et lycée, populace pour laquelle un paquet de chips de plus de deux semaines relève de l'archéologie.

Pour comprendre tout le sel de ce billet, il convient de savoir que, une fois la semaine, j'ai l'honneur et le privilège de quitter la campagne louésienne pour dispenser mon savoir et ma bonne humeur (bonne humeur toute relative après trois quart d'heures de trajet derrière ce que le parc automobile compte de pire en matière de tracteurs) à une classe de Première. Mais attention, pas de la Première calibre standard disponible dans le premier supermarché venu, non ! De la Première Scientifique option sport étude... Ces jeunes gens ont donc un emploi du temps plus chargé que celui du Schtroumpf Président, et, comme on l'aura deviné au vu de leur choix d'options, n'accordent qu'une importance toute relative au Français (oui, je sais, je pense à m'inscrire aux championnats olympiques discipline euphémisme).

L'autre jour, me voilà donc devant ces charmants (et très impressionnants) jeunes gens en train d'essayer de les convaincre de l'importance de l'étude de Madame Bovary pour leur avenir. Et, avec toute la sympathie que m'inspire Flaubert, je dois avouer que je me sentais pourtant démuni devant ces faciès, au mieux, gentiment indifférents, au pire, totalement écoeurés par le petit jeune qui venait prendre la place de leur prof habituel (quelques décennies au compteur, qui enseignerait Proust à des tigres mangeurs d'hommes).
Mais bon, lorsqu'il s'agit d'Emma, je ne me laisse pas démonter, et j'essaye donc de leur expliquer. Ou plutôt de leur montrer, d'ouvrir cette porte que l'on ne dévérouille en général que pour soi. Leur faire voir qu'Emma, c'est Gustave, c'est moi, c'est eux, que oui, bien sûr, elle est "lourdingue", pour reprendre leur vocabulaire si inspiré, mais si proche de nous. Tout ça à grand renfort de gestes, de flèches à la craie et de phrases qui, parfois, souvent, s'emmêlent les pinceaux. Pauvre Emma, face à tous ces pauvres hommes. Pauvres hommes, face à cette Emma. L'heure file, vite, trop vite. Mais à la fin du cours, il y en a deux ou trois, les futurs beaux gosses de STAPS, qui vous balancent en sortant (pas trop fort quand même, n'exagérons pas) : "En fait, Mme Bovary, c'est exactement comme notre vie à nous. Mais il faut quelqu'un de notre âge pour nous le faire comprendre."
Notre âge... p'tits cons va !

Et puis hier après-midi. Classe de Cinquième, groupe de mômes qui, j'en suis sûr, causera la fin du monde d'ici quelques années. Depuis une semaine, on écrit du slam. Pas facile pour tout le monde, il faut piquer de grosses colères, imposer pour que, enfin, écrire "ce qui est important pour nous" cesse de leur paraître ridicule. Ils lisent, les gaminous. Et souvent, se retrouvent bouche bée, devant les productions des autres, mais aussi devant la leur. Ils s'écoutent. Bon sang, pour la première fois, ils s'écoutent vraiment, avec plaisir. De la "galère du bahut" du Grand Zigue à "l'Histoire Noire de Madame Noire".
Il y en a deux ou trois qui se retournent et me regardent :
"On refera ça l'année prochaine avec vous, monsieur ?
- L'année prochaine non, je serai sûrement dans un autre établissement.
- Vous ferez ça avec vos élèves hein ? 'faut le faire monsieur, faut continuer à nous faire faire du slam. Vieillissez pas !"

Vieillissez pas... on va tenter... on va tenter... de pas oublier l'air de la bêtise.