jeudi 21 février 2008

Vacances, vacations divagations...

Vous l'aurez sans doute remarqué, le rythme de publication de ce blog va piano en ce moment. Ben oui, que voulez-vous, la faute à ce privilège honteux de ces feignasses d'enseignants que sont les vacances. Vacances... celles-ci sont les premières durant lesquelles je me suis surpris à réfléchir à l'étymologie du mot. Pourquoi ? Je ne sais pas... drôle de sensation. Ces périodes de boulot, durant lesquelles ont doit, presque en permanence, se masquer, se déguiser, ne serait-ce que partiellement, devant nos élèves, redevenir nous-même en rentrant, se costumer à nouveau... tellement vite que l'on n'a pas le temps d'ôter sa tenue de scène de la veille parfois... Vite vite, tellement vite.
Et puis d'un coup, les vacances. On se sent comme un oiseau dans un trou d'air, sans cette frénésie pour nous porter. Vacances, vide. Vide à combler. Alors je comble. Plus ou moins agréablement.

D'abord, bien entendu, il y a ce foutu mémoire que je suis censé remettre pour la fin de l'année scolaire à mes formateurs et qui sera l'une des nombreuses pièces censées témoigner que oui, je suis bien digne de devenir un professeur digne de ce nom, et de quitter l'antichambre de la stagiarisation. Poussé par Guillaume et par un zèle coupable et bête, je me suis mis à le rédiger en début de vacances. Quinze pages, quinze jours de repos. Le calcul est vite fait. Alors j'écris. Et comme toujours, la bonne vieille magie de mots prend. Les gamins sont tous là. J'écris sur eux, et bien souvent, j'ai l'impression que cet essai, je l'écris pour eux. Peuvent pas me lâcher deux minutes hein !

Je lis aussi. Yoko Ogawa, à nouveau. Elle m'a manqué. Lire Yoko Ogawa, c'est être en face du silence. Un silence fait d'ordre et de calme. Principes qui, habituellement, me font peur. Mais pas avec elle. Pas à travers les pages de La formule préférée du professeur, histoire de cet homme, dont la mémoire dure quatre-vingt minutes et de sa femme de ménage. Yoko Ogawa est sans doute le seul auteur à qui j'aimerais ressembler. Le seul dont les pages parviennent à dénouer cette boule d'angoisse, logé au creux de mon estomac, qui ne s'est pas dénouée depuis mes quatorze ans.

Vacances... plages propres à divaguer... Allez ! Je remets mes neurones en ordre, et je vous reviens comme à l'accoutumée bientôt, tout bientôt !

lundi 11 février 2008

Rend, slaughter, devour...


Pour les non-anglophones qui s'offusqueraient - à juste titre - de ce titre aux consonances britanniques, je traduis : Déchirer, massacrer, dévorer. Oui, je sais, posé comme ça, ça n'est pas réjouissant. Maintenant, passons à la raison de mon ire, à côté de laquelle le caca nerveux d'Achille à la mort de Patrocle passerait pour une joyeuse galéjade.

CA !

http://www.note2be.com/note2be.html

Bon, en fait n'essayez pas d'activer le lien, ce site a tellement de succès qu'il est rarement accessible. Et puis c'est très grossier de m'interrompre lorsque je parle. Ce site donc, propose aux élèves de noter leur professeur. Oui oui, simple comme bonjour. Vous choisissez votre établissement et, de votre petit doigt boudiné, vous vous exécutez. Les critères scientifiquement retenus pour l'évaluation sont, entre autres, la clarté, l'autorité, l'impartialité etc... Petit détail bonus : ces évaluations sont anonymes.

Alors oui, je sais ce que vous pensez. C'est la énième fois que vous lisez cela sur le xième blog de prof que vous fréquentez. Mais quand même. Je bisque.

Je bisque non pas dans la crainte d'un carton que m'administrerait un élève revanchard que j'aurais forcé à apprendre les deux-cent premiers vers d'Yvain, le Chevalier au Lion pour le sanctionner d'une obscure histoire de kleenex enduit de morve projeté dans la salle (je vous rassure, cette situation est fictive... bien entendu... hi hi hi...). Je ne bisque pas parce que je crains que ce système soit un jour appliqué par l'Education Nationale (ce jour-là, je vais chier sur le perron d'Attali). Je ne bisque pas parce que ça fait ressortir mes incertitudes qui se portent très bien, merci pour elles.
Non, je bisque parce que - pardonnez-moi - mais le gros enfoiré qui a crée ce truc que, entre deux skyblogs, nos mouflets iront remplir, tient un discours qui pervertit totalement tout ce pour quoi, depuis des années, la majorité des enseignants se battent. A savoir que, lorsque je relève une quarante-douzième phrase sans sens dans une copie d'élève, je n'évalue pas un élève. J'essaye de lui faire comprendre où il en est à un moment précis. Et le 18 auquel aura le droit la petite blondinette du rang de gauche n'est pas un diadème qui lui confère un quelconque pouvoir.
Je sais, dit comme ça, ça paraît inconcevable. Une note, pour un gnard, c'est toujours un choc affectif. Mais ça n'empêche qu'on tente, patiemment, doucement, de leur expliquer que ce chiffre ne contient rien d'autre que quelques minutes/heures de travail. C'est tout.

Et voilà qu'une bande de crétins invite nos mômes à "noter leur prof" suggérant par là-même que les profs notent les élèves. Connards.
Je note également la stupidité bien conformiste des webmestres de cette chose, encourageant les participants à bien évaluer les professeurs "sévères mais justes". Splendide, voilà des idées novatrices qui contribueront sûrement à faire avancer la réflexion sur les méthodes pédagogiques !

Je suis un utopiste. Je persiste à croire que les élèves et leurs parents valent mieux que ça. Ils ne méritent pas qu'on les transforme en jury de Star Academy pour l'école, les supermarchés, la Poste ou les Sex Shop. Je veux croire que ce bidule restera un repère de grand n'importe quoi dans lequel on continuera de noter des Harry Cover et des Jean Bonneau.
Réflexe de prof ulcéré ? Sans doute. Mais avant tout, colère d'être humain. On est plus.

Tellement plus.

lundi 4 février 2008

Iiik iiik iiik iiik ! (Bruit de violon)

Avez-vous déjà vu Psychose ? Non ? Bon, tant pis, je vous raconte quand même la seule chose qui me tire-bouchonne vraiment les nerfs depuis que j'ai eu l'honneur et le privilège d'être affecté au collège de L., fleuron de l'avant-garde dans le domaine de l'éducation.
Or donc, à Loué, tout n'est pas flambant neuf dirons-nous. Je citerai entre autre la fenêtre de la salle 2xx, qui a, depuis quelques semaines, renoncé à assurer l'étanchéité, même relative, de l'endroit où elle est posée. Du coup dès qu'il pleut, ça fait un peu remake de "L'Enigme de l'Atlantide". Heureusement j'ai prévu le coup et ma salle dispose d'un plan de placement des élèves grandes eaux, histoire de pouvoir continuer mon cours sans bouée canard. Si avec ça, ma notation au mérite ne monte pas d'un demi-point, hin hin hin !
Mais je divague. Vague.

L'autre jour, une salle a été entièrement refaite. Exceptionnel. Les murs ont été sensuellement enduits d'une bonne couche de peinture bleu-vert, le matériel audiovisuel a été renouvelé et, surtout, les élèves ont eu le droit à de nouvelles tables. Ah, les nouvelles tables ! Tout un programme.
Il faut en effet savoir que cette salle rénovée est le domaine quasi-exclusif d'une collègue que nous nommerons Carla, tout à fait pas au hasard. Je n'y suis moi-même qu'une heure par semaine. Or, notre chef d'établissement (que nous ne nommerons pas Nicolas, je tiens encore à mon boulot), a eu la bonne idée de décréter qu'il entendait bien que les nouvelles tables restent aussi propres qu'au premier jour. Intention louable quoi qu'un peu utopique. Je ne sais pas si vous gardez le souvenir de tables de collèges, mais laissez-moi vous dire qu'elles sont souvent le lieu d'expression de dessinateurs, romanciers ou acteurs X en herbe. Or donc, pas de ça sur ces dispendieuses fournitures.

Seulement, ce que notre principal bien-aimé ignorait, c'est que sa consigne n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Depuis cette conversation, Carla passe son temps à scruter à la loupe chaque table, en début ET fin de cours. Elle est même allée jusqu'à se procurer les plans de chaque classe présente dans cette salle pour, en cas de graffiti, poursuivre le coupable de ses foudres, et lui carrer dans les mains une éponge et une bouteille de détergent. Je continue d'ailleurs à me demander si une gomme ne serait pas plus efficace lorsqu'il s'agit d'effacer du crayon à papier mais bon...
Et mes gnards, à qui ils n'en faut pas tant, sont donc depuis ce jour terrible, atteints de paranoïa aiguë dès qu'ils posent le pied dans cette pièce.

"- Monsieur, il y a une marque lààààààà !
- Euh je ne vois rien.
- Mais si làààààà !
- Ecoute, à moins que Mme Carla porte un microscope électronique à la place de ses lunettes, elle ne verra rien.
- Monsieeeeeeur on va se faire engueuleeeeeeeer !"

Tous les jours, le lundi, de 10h à 11h. Actuellement, je suis en train d'étudier la possibilités de faire cours sous le préau, afin de pouvoir en placer une entre deux frottements frénétiques pour effacer un point d'encre suspect.

Ou alors dans mon appart... Avec la même consigne, ils me rattraperont peut-être les quelques jours de ménage en retard ?