dimanche 30 décembre 2007

L'Arlequin dans l'oeil du chat

Entendu l'autre jour sur France Culture (j'ai une programmation radiophonique hétéroclite), un débat entre deux psychiatres de l'enfance. Entre de nombreuses divergences, unanimité sur un point : la piètre qualité des programmes télévisuels comparés à ceux qui passaient dans les années 1980-1990. Après avoir été accusés de tous les maux, voilà qu'Albator et Capitaine Flamme sont portés aux nues... J'éviterai tout commentaire là-dessus, même si ça n'est pas l'envie qui m'en manque, je sens mon sarcasmomètre s'emballer.

Cependant, cette émission a soulevé en moi deux réflexions : la première était plutôt agréable. L'un des deux intervenants a employé, durant la conversation, le terme "adulescent", pour parler d'une catégorie d'âge comprise entre 25 et 30 ans si j'ai bien compris. Après l'adolescence puis la pré-adolescence, voilà que l'on hésite encore à nous exposer à l'âge adulte, grâce au rempart des mots. C'est toujours très drôle d'apprendre par accident que l'on fait partie d'une catégorie. Un peu comme dans un jeu de rôle, où l'on vous demande de choisir si vous incarnerez un nain, un elfe, une sylphe, un farfadet et j'en passe. Les sociologues rattrapent comme ils peuvent ce manque de la réalité en nous proposant des classifications de ce genre. Après tout, ça ne fait de mal à personne, ça permet parfois des analyses plus fines, et c'est rigolo.
Et puis, de vous à moi, je le trouve très joli, ce néologisme. En sus d'être un mot-valise tout à fait réussi, il a un goût sucré, acide, adulescent acidulé. Un peu comme les Arlequins, ces bonbons bariolés et délicieusement corrosifs. Notre soi-disant innocence ne tient plus qu'à un bonbon.

Bon, donc je suis adulescent. Soit. j'en conclue donc que tout pont n'est pas coupé avec mes élèves, comme je le déplorais quelques billets plus tôt. Mettons donc cette proximité en pratique. Ah, zut, nous sommes en vacances. Qu'à cela ne tienne ! Une zappette dans la main, et faisons le tour des programmes que notre beau paysage audiovisuel français nous propose.

Quelques heures plus tard, une conclusion, qui rejoint un peu celle des deux gusses entendus précédemment : tout ça manque cruellement de rêve. Je sais, c'est pédant, mais c'est l'effet que ça fait. Les héros présentés à nos chères têtes blondes, Dora et Bob l'Eponge en tête, sont mignons, rigolos, et souvent fort en verve. Certes. Mais je leur adresse un reproche : personnages animés, vous maniez par trop le second degré ! Les Supers Nanas parodient des super héros que leurs spectateurs ne connaissent pas. Titeuf est une caricature de son public, certes. Mais je vous propose, en ces temps de fêtes, un petit jeu : amusez-vous à essayer d'expliquer le concept de caricature à vos enfants. Bon courage !
Alors oui, il faut, il faut ABSOLUMENT développer chez tous les mômes (pour reprendre le terme préféré de Formatrice) un esprit critique, un sens de la réflexion. Mais ces qualités exigent d'abord des modèles simples.

Eh oui, grenouilles animés des années 2000, ce qui vous manque tient en un seul mot que, du haut de ma sagesse, je laisse tomber (attention les orteils) : idéal.

Ciel ! Stagiaire, que l'on croyait progressiste, plein d'idées nouvelles, se rabat sur des principes vieille France tels que les modèles ! Ben oui. Sans aucun doute. Passer au second degré sans avoir d'abord exploré le premier degré, c'est vouloir mettre un toit sur des murs inexistants, la charrue avant les boeufs, ou tout autre image qui vous convient. On va trop vite. Tellement vite que ça en est violent ! M'est avis que même les Chevaliers du Zodiaque, dévoués à tous les sacrifices pour leur Déesse (qu'ils ne touchaient jamais, soulignons-le), étaient moins violents que ce gnome difforme de Yu-Gi-Oh.

Sans ces archétypes, sans ces héros, il manque quelque chose. On reproche aux enfants de ne plus s'émerveiller de rien. Mais comment pourraient-ils s'émerveiller ? L'admirable, les valeurs leurs sont immédiatement présentés comme ridicules. Ils le sont, bien entendu, parfois, souvent ! Mais ça n'est pas leur qualité première. Les esprits libres, perçants et affutés sont aussi naïfs.
Je concluerai sur cette dernière pensée, qui m'inquiète particulièrement : ce second degré me paraît parfois bien plus conformiste que les séries adulescentes encore projetées de temps à autre. Prenons, par exemple, la série Cat's Eyes : trois jolies filles (bien que potelées, si si !), intelligentes, drôles, futées, qui mettaient leur ingéniosité à l'oeuvre pour dérober des tableaux et tourner la police en ridicule. Oh, certes, leur but était louable. Mais il bafouait l'autorité. Et nos petites Antigones devenaient des héroïnes dans leur transgression. Je ne suis pas certain du tout qu'un dessin animé de ce genre pourrait voir le jour dans le paysage télévisuel actuel.

Quoi j'ai radoté ? Quoi, j'ai joué le prêcheur de l'Apocalypse ? Foutez-moi la paix, je suis plus un gosse, je suis juste... un adulescent.

PS : Toute bonne argumentation devant comporter des annexes, je vous renverrai vers deux génériques des oeuvres citées dans ce billet (je n'ai malheureusement pas les références de l'émission de France Culture). Cliquez sur les différentes phrases.

- Bob l'Eponge

- Cat's eyes (en provenance du site www.anamnesiak.com)

- Et la version non censurée du même générique (étonnez-vous de mes déviances, après avoir vu ça !)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

hum cet article me rappelle des passages de bruno bettelheim notamment sur la question du héros, du modèle pour l'enfant,(cf chapitre sur les mythes et les contes) bon après ça vaut que ça vaut hein

narf comme dirait minus à cortex (oups une référence douteuse mais qui m'a bercé) je te laisse le soin d'approfondir!!