samedi 19 janvier 2008

On s'ra jamais vieux...



Il est toujours agréable de recevoir la confirmation que, à l'âge vénérable de vingt-cinq ans et des bananes, on n'est pas encore une annexe de l'expostion égyptienne du Louvre. Ca en devient limite destabilisant lorsque cette réflexion vient d'élèves de collège et lycée, populace pour laquelle un paquet de chips de plus de deux semaines relève de l'archéologie.

Pour comprendre tout le sel de ce billet, il convient de savoir que, une fois la semaine, j'ai l'honneur et le privilège de quitter la campagne louésienne pour dispenser mon savoir et ma bonne humeur (bonne humeur toute relative après trois quart d'heures de trajet derrière ce que le parc automobile compte de pire en matière de tracteurs) à une classe de Première. Mais attention, pas de la Première calibre standard disponible dans le premier supermarché venu, non ! De la Première Scientifique option sport étude... Ces jeunes gens ont donc un emploi du temps plus chargé que celui du Schtroumpf Président, et, comme on l'aura deviné au vu de leur choix d'options, n'accordent qu'une importance toute relative au Français (oui, je sais, je pense à m'inscrire aux championnats olympiques discipline euphémisme).

L'autre jour, me voilà donc devant ces charmants (et très impressionnants) jeunes gens en train d'essayer de les convaincre de l'importance de l'étude de Madame Bovary pour leur avenir. Et, avec toute la sympathie que m'inspire Flaubert, je dois avouer que je me sentais pourtant démuni devant ces faciès, au mieux, gentiment indifférents, au pire, totalement écoeurés par le petit jeune qui venait prendre la place de leur prof habituel (quelques décennies au compteur, qui enseignerait Proust à des tigres mangeurs d'hommes).
Mais bon, lorsqu'il s'agit d'Emma, je ne me laisse pas démonter, et j'essaye donc de leur expliquer. Ou plutôt de leur montrer, d'ouvrir cette porte que l'on ne dévérouille en général que pour soi. Leur faire voir qu'Emma, c'est Gustave, c'est moi, c'est eux, que oui, bien sûr, elle est "lourdingue", pour reprendre leur vocabulaire si inspiré, mais si proche de nous. Tout ça à grand renfort de gestes, de flèches à la craie et de phrases qui, parfois, souvent, s'emmêlent les pinceaux. Pauvre Emma, face à tous ces pauvres hommes. Pauvres hommes, face à cette Emma. L'heure file, vite, trop vite. Mais à la fin du cours, il y en a deux ou trois, les futurs beaux gosses de STAPS, qui vous balancent en sortant (pas trop fort quand même, n'exagérons pas) : "En fait, Mme Bovary, c'est exactement comme notre vie à nous. Mais il faut quelqu'un de notre âge pour nous le faire comprendre."
Notre âge... p'tits cons va !

Et puis hier après-midi. Classe de Cinquième, groupe de mômes qui, j'en suis sûr, causera la fin du monde d'ici quelques années. Depuis une semaine, on écrit du slam. Pas facile pour tout le monde, il faut piquer de grosses colères, imposer pour que, enfin, écrire "ce qui est important pour nous" cesse de leur paraître ridicule. Ils lisent, les gaminous. Et souvent, se retrouvent bouche bée, devant les productions des autres, mais aussi devant la leur. Ils s'écoutent. Bon sang, pour la première fois, ils s'écoutent vraiment, avec plaisir. De la "galère du bahut" du Grand Zigue à "l'Histoire Noire de Madame Noire".
Il y en a deux ou trois qui se retournent et me regardent :
"On refera ça l'année prochaine avec vous, monsieur ?
- L'année prochaine non, je serai sûrement dans un autre établissement.
- Vous ferez ça avec vos élèves hein ? 'faut le faire monsieur, faut continuer à nous faire faire du slam. Vieillissez pas !"

Vieillissez pas... on va tenter... on va tenter... de pas oublier l'air de la bêtise.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi je pense que si Emma Bovary avait fait un peu de Slam au lieu jouer les apprentis chimistes avec son Arsenik, elle aurait fait une grande carrière genre grande bourgeoise malade.

madame arthur a dit…

Ouaip! L'a raison l'marmot! Ecoute la vieille qui fait faire du Slam à ces p'tit loulous. Eh bien , ils finissent par écrire comme Fano (Daniel) que je te recommande : "Comme un secret Ninja"